Du sang sur les mains ~ Dean

« On a besoin d'aide ! Vite ! »

Ni une ni deux, je cours vers l'entrée des urgences. J'entends crier. Je me précipite pour voir ce qu'il se passe. Quelques secondes me suffisent à saisir l'urgence. Un gamin sur la civière se vide de son sang en hurlant de douleur. Je reste un instant pétrifiée. Je me ressaisis pourtant rapidement. C'est la première fois que j'ai un enfant aussi gravement blessé ! Les ambulanciers me donnent ses constantes, toutes mauvaises. L'un d'entre eux essaie de compresser la plaie par balle, en vain.

- Appelez un titulaire ! On a besoin d'un bloc ! Allez ! »

Les infirmières remplacent les ambulanciers alors que je cherche quoi faire. Il faut que je réagisse !

- Il me faut du O nég tout de suite ! On l'emmène au bloc ! Ça va aller mon grand, d'accord ? On va s'occuper de toi.

Le tout en courant vers l'ascenseur le plus proche pour éviter que le môme ne se vide complètement de son sang. Je suis paniquée. Ses cris s'affaiblissent et je ne peux rien faire avant d'être arrivée au bloc. Et encore ! Je ne pourrais rien faire là-bas non plus ! Putain mais c'est pas vrai ! Comment a-t-on pu tirer sur un gamin ?
L'ascenseur arrive enfin au bon étage. Nous entrons dans le premier bloc libre. On m'enfile rapidement une blouse. Pas de titulaire. IL n'y a que moi et des infirmières ! Je ne sais absolument pas quoi faire. L'enfant sombre dans l'inconscience.

« Docteur, vous devez faire quelque chose ! »

Je sais tout ça, je sais ! Mais j'ignore quoi faire ! Drainer ? Compresser ? Je ne sais pas...

« Docteur ! Il va mourir ! »

Je sais... Je sais. Je sais ! Mais je n'ai aucune idée de la marche à suivre ! Je sais recoudre et suturer, désinfecter et inspecter. Mais je ne sais pas extraire une balle postée près du cœur d'un gamin de même pas dix ans ! À l'instinct ?

- Passez lui deux culots de O nég. Bippez n'importe quel titulaire. Et drainez le sang de la plaie !

Et merde ! Je suis incapable de sauver ce môme ! Son cœur s'arrête. Merde !

« On le perd ! »
- Je sais ! Chariot de réa ! Vite !

En attendant, j'appuie de toute mes forces contre sa poitrine pour faire repartir son cœur. Allez bonhomme ! Ne me lâche pas ! Ne me lâche pas ! Une infirmière le ballonne. On m'amène les palettes.

- Chargez à 200 ! Dégagez !

Rien.

- Encore ! Dégagez !

Rien. J'essaie encore et encore, avec l'énergie du désespoir. On lui injecte par perfusion un produit sensé faire repartir son cœur. Mais... Rien. Toujours rien. J'ai laissé tombé le défibrillateur. J'ai mal aux bras, j'ai chaud et je suis fatiguée, mais je ne m'arrête pas. Un titulaire entre dans le bloc. Je l'aperçois à peine.

« Combien de temps ? »

Quinze minutes. Il m'ordonne de m'arrêter. J'appuie encore plus fort. Je n'ai pas le droit d'abandonner ce gamin !

« Arrêtez Sheppard. Vous ne pouvez plus rien pour lui. »
- Si ! C'est pas fini ! Aidez-moi... On va y arriver !
« Non Sheppard. C'est fini maintenant. Arrêtez. »

Non … Le docteur pose sa main sur mon épaule et annonce l'heure du décès. Non, non, non... Je m'arrête.

« Rentrez chez vous Sheppard. C'est fini. »

Je ne réponds pas et m'exécute. J'ai laissé mourir un gamin... à la sortie du bloc, le résident chargé de moi m'intercepte. Les informations vont vite ici ! Dommage que les médecins n'aillent pas aussi vite. Il essaie de me consoler en me disant que le gamin était condamné avant même d'entrer. Quelle consolation ! J'aurai pu, j'aurai du le sauver ! Et si ça avait été Bruce à la place de l'enfant, hein ? Je l'aurais tué ! J'ai tué un enfant... je ne jette pas le moindre regard au résident et m'éloigne lentement, couverte de sang, vers les vestiaires. J'ouvre mon casier sous les regards interrogateurs des autres internes. Je prends mon sac et m'en vais sous les « Tu vas bien Cait' ? » Je ne prends pas même la peine de me changer. Je quitte l'hôpital et rejoins mécaniquement ma voiture.

Je ne sais pas par quel miracle je suis arrivée chez moi ni depuis combien de temps je pleure et sanglote dans le noir. J'ai froid. J'ai comme un énorme vide en moi. Dehors, il fait nuit noire. Cela ne doit pas faire longtemps que je suis rentrée... Et pourtant, mes larmes sont intarissables. J'ai tué un enfant ! Je sanglote, hurle presque tant j'ai mal. J'ai tué un enfant... j'aurai du me tuer en chemin. J'aurai été consciente, je l'aurai fait. J'ai tué un enfant ! J'ai son sang sur mes mains, sur mon visage, sur mes fringues. J'ai tué un enfant. Oh mon dieu ! Qu'est-ce que je vais faire ? Et pourquoi j'arrive pas à m'arrêter de chialer ? Je me lève et donne un coup de poing dans un mur avant d'appuyer ma tête contre celui-ci, toujours incapable de me calmer. Et le sang qui me couvre ne m'aide pas. Si je reste seule, je vais me tuer. J'attrape mon téléphone et compose sans réfléchir un numéro. Celui de Dean. Pourvu qu'il soit chez lui. Pourvu que le faux nom que nous lui avons trouvé n'ait pas été détruit. Mes sanglots sont de plus en plus violents. Je ne sais même pas comment je vais pouvoir lui parler. Une sonnerie. Décroche je t'en supplie. Deuxième sonnerie. Pitié... Décroche ! Troisième sonnerie. Sa voix perce à travers mes sanglots. Je fonds de nouveau et parviens à articuler un « C'est Cait' » entrecoupé de sanglots plus ou moins bien étouffés. Dieu merci, il est là !

Physiquement, la différence n'était pas flagrante. Peut être qu'il avait l'air plus fou que moi. Même si je commençais moi même à le devenir mais pas dans le même sens que lui. Il était quelque chose d'indescriptiblement malsain. Je ne pouvais pas être lui. Et pourtant, nous étions la même personne. J'essayais chaque jour de me persuader du contraire. Quand j'y pensais, il n'avait personne pour l'aider. Moi, il y a deux personnes qui voulaient m'aider. Mais c'est moi qui refusais leur aide. Est ce que finalement je vallais mieux que lui en faisant ça? Je voulais y croire. Je ne tuais personne moi. Lui le faisait constamment et s'en déléctait... L'homme est un loup pour l'homme mais dans mon cas j'étais moi même mon loup. Mon cas était compliqué. Comment quelqu'un d'autre, de l'Agence par exemple, pouvait me croire? De plus, j'étais présent quand mes parents sont morts. Ils feraient le rapprochement. D'autres peuvent plaider la folie parcequ'ils ne se souviennent pas de leur meurtre. Moi je me souviens de chaque homicide. Je me souviens de tout les détails. Je préfèrerais faire parti de ceux qui oublient. Peut être que dans ce cas là, j'aurais directement accepté l'aide de mes deux amis.

J'y ai pensé hein!... A la mort. Au suicide. Mais je suis trop lache pour ça... Pourtant c'est la solution la plus radicale pour qu'il s'arrête de tuer. Mais rien que de penser à la peine et au chagrin que cela procurerait à Caitlyn ou à Ivan, cela me rend malade. Biensur, cela serait un poids en moins sur leurs épaules, mais je ne peux pas non plus les laisser vivre seuls dans ce monde qui n'est pas le leur. Il est difficile de faire un choix si important que le droit de vie ou de mort sur soi même... Mais c'est aussi de la vie ou de la mort d'un assassin dont je parle! Pourquoi il a fallut que cela tombe sur moi? Je ne sais même pas si je peux m'en sortir. Et si je ne me tue pas, l'Agence finira bien par le faire. Je suis condamné. IL est condamné. C'est une bonne chose. Même si je le suis aussi... Ce qui me dérange le plus, c'est le sort de Caitlyn, ou celui d'Ivan. J'ai peur qu'il réussisse à être plus fort que moi lorsque je suis près d'eux. Mais l'amitié est une de mes valeur, si ça n'est la valeur, les plus importantes. "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort." J'aimerais que ça soit vrai... Peut être que ça l'est mais que je suis trop effrayé pour lui tenir tête. Pourtant, je devrais essayé si j'aime tant mes amis que ça... Pour eux. J'étais sur qu'eux pouvaient nous différencier. Mes amis. Ils le pouvaient. On se connait depuis longtemps. Ils sauraient si il faut ou non s'approcher de moi. Oui. Je leur fais confiance pour cela. Ils ne se mettraient pas en danger pour essayer de le raisonner si jamais cela tourne mal...

Tout ça pour dire, que je n'avais à nouveau plus le dessus sur mon corps. Je ne pouvais même pas fermer les yeux puisque mes yeux étaient les siens. Quand il contrôlait tout, il me faisait regarder et participer à ses immondices. A ses courses macabres quand il poursuivait une victime tout en sachant qu'elle ne pourrait pas se cacher. Je me demandais comment cela se faisait que la prime ne soit pas plus importante sur nos... Non, sur sa tête. On relativise. Ca n'est pas moi, c'est lui. Je n'y suis pour rien. Je ne suis qu'un témoin. A partir du moment où on ne pas demandé mon avis, je n'ai rien à voir avec cette histoire, n'est ce pas?...

Une fois encore, j'essaye d'oublier ce qu'il vient de se passer... Il m'a laissé le contrôle une fois qu'il a eut finit son carnage. Il m'a laissé mon corps, du sang sur les mains, sur le visage, dans mes cheveux. Je n'en peux plus de cette vie... Mais je dois la supporter pour Caitlyn et Ivan. Je leur dois bien ça. Penser à eux me fait sourire intérieurement. Il y a longtemps que mon sourire n'habite plus mes lèvres... Les siennes oui, pas les miennes. J'en ai ras le bol de changé de vêtements, je suis fatigué de devoir déménager et changer de nom... Celui du moment est Ted Nugent. Mais je ne resterais pas longtemps ici... D'ailleurs, je devrais faire mes valises dans la semaine. Cela embrouillera certainement l'Agence mais moi, j'ai pas envie de me faire coffrer... J'aimerais juste qu'il disparaisse. Qu'il ne soit qu'un souvenir et qu'il me laisse vaquer à mes occupations... J'aimerais pourtant tellement que l'ame de ma mère puisse un jour retrouver la paix. Ma mère n'avait rien fait de mal... Elle était la plus gentille maman dont un gosse peut rêver et il a fallut qu'il lui règle son compte. Enfoiré...

Il est plus d'une heure du matin quand je passe le pas de ma porte que je ferme à double tours. Si je pouvais en faire plus de tour, je l'aurais fait... Malheureusement, c'est le maximum que je puisse faire. M'enfermer. Mais ça ne sert à rien... Je dois prendre une douche. Essayer de me détendre. Tiens, je croyais que ce mot avait disparu de mon vocabulaire. Bref. Je dois me battre contre lui. Je n'abandonnerais pas! Je n'ai pas le droit de dire que ce sont mes amis. Ils sont bien plus que ça. Ils sont ma famille! C'est pour ma nouvelle famille que je dois me battre. Et biensur pour moi. Principalement pour eux. Allé. On se ressaisit.

Je vais dans la salle de bain, ne me focalise même pas sur un quelconque reflet de moi. Je ne veux pas voir les dégats en face. Les voir sans miroir est déjà un suplice. Mes vêtements finissent à la poubelle. Je ne suis pas inconscient. Je brûle tous mes déchets. Une fois que tout mes vêtements (ou sont ils les siens?) sont jetés, je prend une douche. De voir tous ce sang qui n'est pas le mien tomber à mes pieds me fait fermer les yeux... Je suis un lache... Je ne peux même pas regarder mes actes en face... Je suis confus à nouveau. Ce ne sont pas MES actes. Il faut que je me le mette dans la tête.

Une fois "propre", physiquement en tout cas, je n'ai pas le temps de sécher mes cheveux que le téléphone de Ted sonne. De toute façon, ça ne peut être que deux personne. J'entends les deux premières sonneries et espère que la personne n'abandonnera pas au bout de seulement deux. Je cours vers le téléphone et décroche. Je suis inconscient. A Babylon cela pourrait être n'importe qui. Mais je sais qui a ce numéro. J'ai peur que quelque chose de grave soit arrivé à l'un d'entre eux deux.

- Oui?

J'entends une voix féminine sangloter, même pire. Elle pleure.

- C'est Cait', me dit elle.

Que lui est il arrivé?

- Ne bouge pas de chez toi, j'arrive, dis je instinctivement. Ne bouge pas ok?

Je préfère attendre qu'elle me réponde avant de me lancer tête baissée chez elle. Même si je veux être rapidement chez Caitlyn. Je dois attendre une réponse de sa part. Tout en attendant qu'elle me réponde, j'enfile un pantalon qui traînait par là. Cet appartement est un vrai souc! Mais ça n'est pas important, je m'en vais bientôt. Puis, ce qui importe pour le moment présent, c'est Caitlyn. Elle a besoin de moi. Je lui dois bien ça.

Qu'est-ce que j'ai fait... La scène passe et repasse sous mes yeux. Les cris du gamin résonnent encore et encore dans mon crâne, faisant couler mes larmes à flot. Je suis effondrée et en colère. Je commence à sentir la douleur du coup donné dans le mur. Je m'en fiche, je mérite de souffrir. J'ai tué un enfant ! Son sang couvre mes mains, mes vêtements, le volant de ma voiture et probablement maintenant colore-t-il mon visage et mes cheveux. Mon Dieu qu'ai-je fait ? Ce n'est pas ma faute ont-ils dit. Mais ça l'était ! J'aurais du le sauver ! Je lui avais promis que ça irait... Je lui avais promis... Je... je suis un monstre ! Incapable de sauver un enfat ! Je ne peux pas m'empêcher de voir les visages de Bruce et Dean à la place de celui de l'enfant. Comme si le fait que la personne qui est morte par ma faute n'était qu'un enfant innocent ne suffisait pas à me torturer.
Et j'ai appelé Dean. Je l'ai appelé parce que je sais qu'il fera tout son possible pour m'aider. Même si je suis persuadée qu'il ne pourra rien. Il m'en aurait voulu de ne pas lui avoir parlé... Je me rassure comme je peux. Heureusement, Dean décroche. Je m'annonce du mieux possible et il me répond immédiatement, m'ordonnant de ne pas bouger parce qu'il arrivait. Ne pas bouger. C'est largement faisable. J'acquiesce faiblement, essayant de retenir les torrents de larmes qui m'empêchent de respirer le temps de me faire comprendre. Il raccroche. Je garde le téléphone contre mon oreille tandis que le bip agaçant résonne. Je pose le téléphone sur le sol et cale ma tête entre mes mains. Mes doigts ensanglantés glissent dans mes cheveux. Je ne peux pas m'arrêter de pleurer. Je me sens tellement mal, tellement... vide ! Je me balance d'avant en arrière, incapable de rester en place tant ma peine et mon horreur sont grandes. J'arrive à peine à respirer, ma tête tourne et je tremble plutôt violemment. J'aimerai être foudroyée sur le champ tellement je souffre. J'ai mal au ventre, au cœur, à la tête, à la gorge. Mais la douleur physique n'est rien en comparaison de la souffrance psychologique. J'ai tué un gamin, merde !

Je suis incapable de me calmer seule. Si Dean n'avait pas répondu, qu'aurai-je fait ? Quand il n'est pas avec Ivan et moi la nuit, l'autre prend le contrôle. Qu'aurai-je fait si ça avait été le cas ? Je sais qu'il va arriver dans pas longtemps, je sais qu'il sera là, près de moi, et qu'il m'empêchera de me faire mal, qu'il essaiera d'adoucir ma peine, qu'il tentera de me consoler, qu'il me serrera contre lui. Et je sais que me voir ainsi lui fera de la peine. Comme s'il n'avait pas assez d'ennuis comme ça ! Je devrais le rappeler pour lui dire que ça va aller. Mais je lui mentirai en faisant ça. Ça ne va pas, et ça ne va pas aller mieux. Je veux mourir. Je veux que la douleur cesse. Je veux disparaître comme j'ai aidé cet enfant à disparaître. Je ne veux ni ne peux survivre. C'est impossible. Je brûle de l'intérieur. Et si je ne me tue pas moi-même, la douleur se chargera d'exécuter la sentence. Il faut que je me lève, que je limite les dégâts, que je fasse semblant de rien. Qu'est-ce qui m'a pris d'appeler Dean ? Pourquoi n'ai-je pas tout simplement foncé dans un platane en route ? J'ai pas les nerfs ni la carrure pour supporter ça !

Je me lève et retombe aussitôt. Trop faible pour tenir sur mes jambes. Je sanglote de plus belle, comme si c'était possible. Ma gorge me brûle, mon cœur me fait mal. J'essuie mes yeux et mon regard se pose sur mes mains. Le sang coagulé les salies. Je cesse brutalement de pleurer. Le visage du petit garçon s'impose à mon esprit. Sa douleur et sa peur imprègnent mon esprit. Je vais devenir complètement folle ! J'appuie mon dos contre un mur, allez savoir lequel, et ramène mes genoux contre ma poitrine. Je pose mes coudes sur eux et mes mains agrippent mes cheveux et serre ma tête. Alors que je pensais m'être calmée, c'est encore pire à présent. Je me recroqueville le plus possible, comme si me rassembler allait me soulager. Je ne me fais pas de souci pour Dean. Il a un double des clés de chez moi, au cas où il aurait un problème quelconque. Parce que je ne pourrais pas me traîner jusqu'à la porte pour lui ouvrir... j'ai tellement mal... ET je suis épuisée. Mais je ne m'endors pas. Je reste prostrée et larmoyante, cette scène défilant au ralenti dans mon esprit. J'aurai du le sauver. J'aurai me tuer en chemin. J'aurai du rester seule. J'aurais mérité de garder ce fardeau et cette douleur pour moi. Je mérite de souffrir. Je mérite de mourir ! Je ne mérite pas de vivre... Je ne mérite pas d'être heureuse, ni de devenir médecin. Je ne mérite pas de sourire, de rire ou d'être heureuse. Je mérite de rester là, seule, murée dans un coin de cet appartement, à pleurer encore et encore, jusqu'à ce que je meure de faim, de soif ou de fatigue.

Sa réponse est inaudible mais compréhensible. Je voulais simplement être certain qu'elle soit toujours à l'autre bout du fil, c'est tout. Elle avait l'air de tant souffrir que je ne voulais pas la faire attendre une minute de plus. Ni même une seconde. Une fois qu'elle m'eut donné sa réponse, j'ai directement raccroché. Ca me faisait peur de la laisser seule dans cet état mais je n'avais pas le choix. Je n'avais pas de téléphone portable. Trop repérable au GPS. Je n'avais qu'un fixe. Un numéro, un endroit où me joindre qui changeait à peu près toute les semaines. Quand cela devenait trop flagrant et que les meurtres se faisaient dans le même coin, j'en changeais pour m'installer à l'autre bout de la ville. J'essayais d'être stratégique...

La n'était pas la question. Je devais trouver quelque chose à me mettre rapidement pour rejoindre Caitlyn. Elle m'avait appelé, elle avait besoin de moi. Je devais me bouger. Je pris rapidement un tshirt. Encore un qui trainait. Je l'ai enfilé et me demandais soudainement si je devais prendre la voiture et risquer de reperdre le contrôle, oubliant ainsi Caitlyn, ou si je devais aller jusque chez elle au pas de course?... Que devais je faire? Une solution était rapide mais risquée. L'autre était plus lente mais aussi plus sure. Je ne pouvais pas risquer d'oublier ce pourquoi j'étais sorti. Si je prenais ma voiture (elle aussi repeinte très souvent parfois même changée), il allait en profiter... Non. Je savais qu'il n'avait pas eu sa dose de sang ce soir... Courir me faisait du bien alors j'allais courir. Je pris les clés de l'appartement de Cailyn au passage et sortis en fermant bien le mien.

Je ne pris pas la peine de vérifier si la porte était suffisament fermée. Trop pressé. Je me mis à courrir dans les rues. Elles me semblaient encore plus morbides que quand il avait le dessus. A travers mes yeux, elles me paraissaient sombres et glauques. C'est ce qu'elles étaient vraiment aux yeux d'un citoyen. Pour lui, s'était juste le parfait terrain de chasse... Je ne devais pas penser à ça. Pas maintenant. Ni jamais. Mais encore moins maintenant. Je me sentais assez alourdi par le poids du meurtre de la soirée mais je me devais d'y penser le moins possible pour me focaliser sur Caitlyn. J'allais souvent chez elle et pourtant, j'avais toujours peur de me tromper de rue. Je ne savais pas pourquoi! S'était idiot. Quand on sait où on va, on a qu'à suivre ses pieds, un point c'est tout.

Il faisait nuit mais les lueurs du ciel étaient étranges... Un peu rosé. Comme un soir d'hiver qui annonçait la neige du lendemain... Ou comme un soir ou du sang à coulé sur mes mains... Stop. Le batiment! L'immeuble! La ou habitait Caitlyn. Je ne m'étais pas trompé. J'ai couru en trombe vers le gratte ciel qui se tenait devant moi et suis monté. J'ai faillit tombé plusieurs fois tant je montais vite et j'ai certainement du égratigner mon genoux au passage. Peu importe. Je précipite les clés dans la serrure une fois que je suis au bon étage et, stréssé, ai du mal à l'ouvrir. Raaaaah!!... Relax. Je me calme. Je passe une main dans mes cheveux. Me calme. Je rentre la clé dans la serrure et ouvre la porte.

L'appartement est plongé dans le noir. Que se passe t il?... Je referme la porte à clé derrirère moi et je l'entends pleurer. La lueur de la lune flitre à travers la fenêtre mais je ne la vois pas. Je ne vois pas où se trouve Caitlyn.

- Caitlyn?

Je sais que je n'ai pas besoin de préciser que c'est moi. Elle reconnaitrait ma voix entre mille. Elle m'a appelé. Ella savait que j'allais venir. Je veux la serrer contre moi mais je ne la trouve pas. Je l'entends. J'avance vers l'endroit d'où les sanglots me semblent venir.

Le temps semble s'être arrêtée. Je ne me suis jamais sentie aussi mal de toute ma vie. Je n'ai jamais autant souffert en vingt-trois ans. Je ne vois rien d'approchant. J'essaie de me concentrer sur des événements heureux et sur les gens que j'aime, mais je n'y arrive pas. Je ne vois plus rien d'heureux. Ces images s'imposent à moi sans arrêt. Je ne peux pas y échapper. Elles me torturent. Tout ce temps pendant lequel je me suis acharnée à essayer de le sauver parce que je lui avais cette promesse... Je veux mourir. JE veux qu'on me tue immédiatement. Qu'on me foudroie ! Mais que je ne sois plus. J'ai trop mal... Mon incompétence a tué un enfant. Je n'ai plus le droit de vivre.
Cela doit faire des heures que je suis en train de pleurer, des heures qu'il m'est impossible de respirer correctement, d'arrêter de trembler et de me relever. Je suis toute petite, dans un coin. Je pourrais passer inaperçue si je n'étais pas agitée par les sanglots qui refusent de cesser.
J'entends des bruits que je mets sur le compte de ma folie passagère. Les cris du gosse, les comptes, mes supplications, tout se mélange dans un tintamarre qui ajoute à mon horreur.

Je n'ai pas peur. C'est sans aucun doute Dean. Je n'ai pas idée de l'heure ni du temps qu'il a mis pour venir. Cela aurait pu prendre cinq minutes comme deux heures. J'ai à peine conscience de sa présence. Je suis murée dans ma colère, ma haine et ma souffrance, couverte d'un sang qui n'est pas le mien et que j'ai du étaler partout où j'ai posé les mains. Il ne faut pas que la lumière s'allume... La porte se referme et sa voix se fait entendre. Il prononce un prénom. Le mien. Étrangement, sa voix me soulage un peu. Très peu. Mais c'est toujours ça. Elle concrétise sa présence. Je ne suis plus seule. Mais cela ne change rien aux faits. J'ai tué un enfant. Je ne cesse de le répéter comme son image n'a de cesse de se rappeler à mon souvenir. La sensation de brûlure n'a pas disparu et j'ai toujours mal, physiquement, comme mentalement. Mais au moins, je ne suis plus seule. Cela peut paraître égoïste car je sais que Dean ne va pas être heureux de me voir dans cet état-là. Mais je ne peux pas m'empêcher de souhaiter sa présence tout près de moi. J'essaie de récupérer un souffle constant pour pouvoir me manifester. Malgré ma volonté, je n'arrive pas à bouger. La tête entre les mains je panique, encore et toujours. Mes réactions sont parfois irrationnelles.

- Là...

Ma voix est faible suinte la douleur qui me ronge, acide et violente à tel point que ce simple petit mot brûle ma gorge. J'ai tellement mal ! J'aurais voulu lui dire que tout allait bien, que ça allait passer, mais je n'en pense pas un mot. Et je n'ai pas la force de mentir, même si c'est pour protéger un ami cher. Je n'ai pas le courage d'être forte. J'ai tellement mal ! Ce gamin... je tenais sa vie entre mes mains ! C'est comme si j'avais serré trop fort ou que je l'avais jeté à la poubelle... J'ai tué un être humain, j'ai tué un enfant. J'ai mal réagi. Et je l'ai tué. Je suis atterrée. Je voudrais disparaître six pieds sous terre. Cette torture est inhumaine. Je ne peux pas supporter ça. Achevez-moi...

Je sens que Dean se rapproche de moi. Alors je sanglote à nouveau, plus fort encore. J'ignore d'où me vient la force de pleurer encore. Je ne sais pas comment je ne me suis pas encore évanouie tout simplement. Cela aurait grandement simplifié les choses... J'ai l'impression de vivre un cauchemar terrible. Simplement, je ne me réveillerai jamais de ce rêve épuisant. Et j'ai mal et je ne peux même pas m'expliquer. Dean ne doit pas comprendre. Je cherche la force de lui expliquer, qu'il ne s'inquiète pas, que je ne suis pas blessée qu'il ne m'est rien arrivé. Mais je ne peux pas. À chaque fois que j'entrouvre les lèvres pour parler, je tousse ou m'étouffe et les sons qui s'échappent de ma gorge enflammée ne ressemblent en rien à des mots. Je n'ai même pas la force de lever la tête et de le regarder. Je veux mourir. Tout simplement. Cette détresse qui m'écrase et m'empêche de respirer, de parler, de bouger, elle disparaîtrait si je mourrai ! Et l'enfant que j'ai assassiné serait vengé... Je ne ferai plus jamais de mal à qui que ce soit... Laissez-moi mourir.

Cela me stresse légèrement de ne pas la voir tout en sachant qu'elle est dans la pièce. Mais entendre sa voix se manifester, même si ça n'est qu'un chuchotement, me rassure... Elle a l'air effrayé et cela me rappelle quand elle l'a vu. Elle avait un air un peu effrayé ce jour là. Certainment parceque je n'étais pas vraiment moi. Elle ne s'attendait pas à voir Dean calme et peut être un peu naif en train de tuer quelqu'un avec une arme blanche. Il n'aime pas des masses les armes à feu même si il en a. Les armes blanches sont son truc parcequ'il aime voir le sang couler en dehors de ses victimes... N'en parlont plus. Ca suffit. Je me suis déjà assez fait de mal comme ça aujourd'hui.

Pourquoi Caitlyn est elle dans cet état là? Je ne le lui demanderais pas biensur. J'ai du tacte. Si elle se sent de m'en parler, elle le fera bien entendu. La jeune femme n'a pas l'air de vouloir se calmer. Ou peut être ne sait elle pas comment le faire. Sa voix, bien que faible, me dirige vers elle. En m'aidant de mes mains que je mets devant moi dans la pénombre, je finis par trouver ses cheveux qui ont une texture étrange. Je préfère ne pas relever parceque je pense savoir ce que s'est. Mais je ne m'en occupe pas. Je me mets à genoux face à l'endroit où je pense qu'elle est et m'y penche pour la serrer contre moi. Elle était bien là où je le pensais.

Je sens son coeur battre contre sa poitrine et ainsi contre la mienne. Son souffle est court tant elle ne peut s'empêcher de pleurer. Mes bras l'ont attiré contre moi. J'ai une de mes main sur sa nuque tandis que l'autre frotte son dos. Je me veux rassurant. Même si je sais qu'elle a du sang sur elle... Je devrais lui faire prendre une douche. Pour sa santé mentale et sa sécurité autant que pour la mienne. Mais je ne suis pas un égoiste. Si je pense à ne pas vouloir sentir le sang qui traine sur elle, c'est uniquement pour ne pas qu'il agresse Caitlyn. Pas parceque je ne veux pas sombrer et être témoin à nouveau. Evidemment que je ne le veux pas mais ça ne m'est pas venu à l'esprit de nettoyer Caitlyn pour ça.

J'aide mon amie à se lever. Ou plutôt, je la porte. Ses jambes ne lui servent à rien en ce moment précis. D'abord, je la soutiens par la taille uniquement pour finalement me rendre compte qu'elle n'ira nul part toute seule alors je la soulève et la prend dans mes bras... Je la sers contre moi. La douche ne sera pas pour maintenant. Je dois d'abord la calmer et la rassurer. Je ne suis pas doué pour ce genre de chose mais il y a eu une époque où je l'étais. Ca date un peu, mais il doit bien y avoir des restes quelque part au fond de moi. Je vais me mettre sur le canapé, la gardant contre moi. Elle a besoin de chaleur humaine... Je ne te lacherais pas Caitlyn Sheppard. Ma main caresse toujours ses cheveux tandis que la deuxième cherche une des siennes à taton. Finalement, je trouve sa taille. Ca n'est pas plus mal. Elle aura encore plus de chaleur comme ça. Je la fais se serrer encore contre moi...

- Je suis là Caitlyn.

Je ne peux pas lui dire le genre de phrase qu'on sort d'habitude lors d'une catastrophe comme le fameux "tout va s'arranger, ne t'en fais pas". Tout simplement parceque je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Biensur que j'aimerais la rassurer. Mais je ne veux pas lui mentir. Ma phrase est amplement suffisante. Cela lui fait savoir qu'elle n'est pas seule. Qu'elle ne le sera jamais. Je dépose un baiser sur son front que ses cheveux collent légèrement. Mais je me moque de ces détails. Elle a besoin de mon aide. Caitlyn a besoin de moi...

Dean n'allume pas la lumière. A-t-il entendu mes pensées ? Je n'en sais rien mais le noir m'empêche de devenir complètement hystérique. Je n'ai encore que deviné les méandres laissées sur moi par l'enfant. Je ne veux pas les voir. J'ai suffisamment mal comme ça. Inutile d'en rajouter. Mais je ne suis plus seule. Je l'entends approcher. Lorsque ses mains touchent ma tête, je prends pleinement conscience de sa présence. Il s'agenouille près de moi et m'attire contre lui. Sa peau est chaude... Je me rends compte que si je tremble, ce n'est pas seulement du au choc mais à ce froid qui s'est emparé de mon être. Une main sur ma nuque, l'autre dans mon dos, il me serre contre lui. Je n'essaie même pas de quitter l'étreinte. Je ne mérite pas son attention. Je ne mérite rien de ce que j'aie, si ce n'est cette peine que je voudrais fuir. Pourtant, il ne servirait à rien de me 'débattre'. Je ne fais pas le poids. Et sa présence me réconforte un peu. Ce n'est pas pour autant que mes larmes cessent de couler. Je reste contre lui alors que sa main frotte doucement mon dos. J'ai un peu peur de bouger. Me recroqueviller m'a donné la sensation de ne pas éclater sous l'effet de la douleur. J'ai l'impression de contenir le feu de mon chagrin. En bougeant, j'ai peur de le laisser se répandre. Je ne peux pas imaginer avec plus mal encore. Je n'y survivrais pas. Je suis dans une espèce de catatonie pathétique dont je ne peux me dépêtrer.

Dean me relève. Je me raidis, si tant est que cela soit possible d'être plus tendue que je ne le suis déjà, quelques instants avant de me laisser faire, vulgaire poupée de chiffon. Il commence par me soutenir mais mes jambes refusent d'avancer, comme si elles étaient reliées à mes larmes. Je ne peux les retenir. Il finit par me porter complètement. J'accroche mes bras autour de son cou, m'accrochant à lui comme s'il était mon seul espoir. Il est mon seul espoir. Il me serre contre lui. Je n'ai pas la force de me blottir plus encore sinon je le ferai. Il s'assoit sur le canapé. Il connaît bien mon appartement pour y avoir dormi quelques fois, lorsqu'il ne pouvait faire autrement (ma confiance aveugle lui déplaît grandement). Il me garde sur lui. Il caresse ma tête d'une main tandis que l'autre tient ma taille.

« Je suis là Caitlyn. »

Contre toute attente, ses mots ne causent pas un nouvel accès de douleur. Ils sont même apaisants. Collée contre lui, je me réchauffe. J'ai moins froid, je tremble moins. Je ne suis plus seule. Je ne l'ai même jamais été. Mais... C'est trop dur ! Je suis l'innocence même selon Bruce. Pour tous ceux que je connais, je suis l'agneau blanc dans cette ville de loups noirs. Mais aujourd'hui, l'agneau blanc s'est teinté de rouge. L'horreur passe, la violence de mes sanglots diminue. Ils me laissent à présent quelques secondes pour reprendre mon souffle. Avec un peu de volonté, je pourrais parler. Mais j'en suis incapable. À moitié couchée contre lui, je ne veux plus bouger, essayant de faire taire ces maudits sanglots et ces satanés gémissements de douleur. Je commence par les étouffer contre le torse de mon ami.
Le temps passe et les torrents deviennent rivières calmes. Ma respiration est toujours saccadée mais je n'ai pas espoir de la ramener à un rythme normal. La présence de Dean m'apaise. Il me calme. Je n'ai plus froid et le feu s'adoucit. Ma gorge est toujours brûlante, ma tête douloureuse et mon ventre tordu en tout sens, mais au moins je suis silencieuse. Seule ma respiration couvre les autres bruits. Il serait temps que je bouge... Je laisse une de mes mains retomber contre mon corps et ouvre mes yeux. Même s'ils sont toujours embués, ils ne me cachent plus rien. Je ne me regarde pas. Je me contente de fixer le cou de Dean. Je n'ai pas le courage nécessaire pour le regarder dans les yeux ou pour bouger vraiment. Je n'ai pas non plus le courage de regarder l'état dans lequel je suis. J'ai envie de lui dire ce qu'il s'est passé, envie de lui dire ce que j'ai fait.

- Je...

Tentative avortée. Je sens mon cœur qui s'emballe de nouveau et les sanglots menacent de revenir.

- J'ai...

J'ai du mal à articuler et à parler. Ma gorge est sèche. Même si la menace de la crise d'hystérie est à présent éloignée, je ne veux pas prendre le risque de repartir de plus belle. Je n'arrive pas à lui parler. Mon regard tombe sur ma main qu'un rayon de lune éclaire. Je hoquète de terreur. Ma peau est striée par ce sang qui n'est pas le mien.

Son coeur ralentit. Du moins, il commence à reprendre un rythme assez normal. C'est une remarque assez rassurante. Si vous aviez entendu la vitesse à laquelle son coeur battait il y a quelques minutes, vous vous seriez autant inquiété que moi. Elle d'ordinaire si joyeuse. Un rayon de soleil pour moi. Non, un soleil entier. Elle est le soleil qui a réussit à me faire voir sa lumière alors que je sombrais dans les ténèbres... Nous nous y retrouvons dans ces ténèbres. Sauf que ce sont les siens à présent. Et je suis celui qui doit la réchauffer. Je dois être un rayon de soleil pour elle. Je me dois de la soutenir dans ses situations difficiles comme elle me soutient chaque jour dans la mienne. Caitlyn n'est pas une méchante fille. Elle est tout le contraire. Elle ne ferait pas de mal à une mouche. Voilà pourquoi je me demande bien ce qu'il a pu lui arriver. Je me souviens qu'elle devait passer interne... Je commençais peut être à comprendre.

Je ne voulais pas vraiment faire fonctionner mon cerveau pour le moment. Je voulais juste le laisser en mode "Caitlyn" et m'occuper uniquement de son frêle corps dans mes bras depuis quelques minutes. Elle a besoin de ça. Je le sais. Je le sens. La jeune femme ne se débattit pas ou ne bougea pas d'avantage. Elle se contenta de se recroqueviller contre mon torse une fois que je fus assis avec elle. La pauvre ne pouvait sans doute plus sentir ses jambes. Elle devait être vidée de toutes ses forces. Cela me fit mal au coeur... Je continuais d'entendre ses sanglots contre mon torse mais ils n'avaient pas la même puissance que quand je l'avais trouvé par terre contre son mur. Ils avaient diminué. Bon signe. Mais ils étaient bel et bien touours présents. Que pouvais je faire de plus pour l'aider?

Après un moment, elle a réussi à se canaliser et se calmer. Seule sa respiration et forte et bruillante et ne tarde pas d'entraîner la mienne avec. J'ai tendance à me caller sur les autres. Je devrais arrêter de le faire en ce moment même. Elle n'a pas besoin de me sentir paniqué. Alors je me calme rapidement. Une de ses main qui avait agripé mon tshirt me lacha soudainement et fut dans le halo de la lune. Je ne pus m'empêcher de regarder son bras en me disant qu'elle ne devait pas le voir. Mais je ne voulais pas la brusquer non plus... Je sens Caitlyn bouger contre moi mais elle ne cherche pas mon regard alors je la laisse faire.

- Je...

Son coeur tambourine à nouveau avec puissance contre sa poitrine et mon torse. Mais je reste calme... J'entends sa respiration, signalant une deuxième tentative...

- J'ai...

Je n'ai pas besoin d'entendre ses explications. Et à en juger par le hoquet qu'elle vient d'avoir et qui a fait trembler tout son corps, ça n'est pas bon signe. Je prend sa main laissée à l'abandon dans la mienne pour la raporter contre mon torse avant de la serrer encore contre moi. Je vais lui parler.

- Je n'ai pas besoin d'explication Caitlyn. J'aimerais que tu te reposes après t'être douché. Ne t'inquiètes pas, je reste ici ce soir. Tu ne seras jamais seule Caitlyn.

J'ai volontairement articulé mes phrases au creux de son oreille pour la rassurée encore une fois. Caitlyn mérite d'être protégée. Je serais ce protecteur aussi longtemps qu'il le faudra.

Le vide est toujours là, mais une main m'empêche de couler. Mon immobilité semble dérisoire. Mais j'ai la sensation qu'en bougeant ne serait-ce qu'un peu, il va lâcher ma main et je vais me retrouver seule face à ce vide qui a pris possession de mon cœur. Je ne pense pas être véritablement consciente de ce qui m'entoure mais la chaleur de Dean me rassure et me ramène sur la terre ferme. Je me sens moins mal et parviens à me calmer un peu. Le baiser qu'il dépose sur mon front m'a un peu surprise mais lui aussi me rassure. Je m'efforce d'inspirer et d'expirer de manière constante et profonde. Ce n'est pas facile. L'expression du petit garçon ne quitte pas ma mémoire. Je n'arrive pas à l'occulter. Mon ami y arrive, lui. Du moins, il y arrivait avant que je ne vois ma main. Ce sang me brûle. J'ai l'impression de devenir folle. J'ignore ce que Dean a compris et je suis incapable de lui expliquer quoi que ce soit, mais il a pris ma main dans la sienne et me serre plus encore contre lui. Je dois être pathétique en cet instant. Mais peu m'importe. Je reste contre lui, me blottissant le plus possible. Je m'en veux tellement... Comment ai-je pu merder à ce point ? Je suis sensée sauver des vies, pas en détruire... Des émotions contradictoires et complémentaires tourbillonnent en moi, colère, haine, culpabilité, peine, horreur, tellement que je n'arrive pas à prononcer plus d'un syllabe.

Il murmure, près de mon oreille. J'ignore comment il sait que j'ai besoin de cette proximité, mais il le sait et c'est l'essentiel. Il dit n'avoir pas besoin d'explications. Je lui en donnerai quand même, lorsque je serai capable d'aligner deux mots. Il aimerait aussi que je me repose après m'être douchée. Il aimerait ? Cela veut dire qu'il va partir ! Je ne veux pas qu'il parte ! Pas maintenant ! Si c'est cela, je connais des larmes qui n'attendent pas d'autre occasion pour se répandre sur mes joues. A-t-il senti ma soudaine agitation ? Il précise, me demandant de ne pas m'inquiéter, qu'il restera cette nuit, que je ne serai pas seule. C'est un ami en or que j'ai. Et je m'en veux d'avoir pensé qu'il me laisserait aussi vite. Il veut simplement que j'aille prendre une douche. Soudain, je comprends l'embarras et l'angoisse qui doivent être siens en ce moment-même. Je suis couverte de sang. Il doit avoir peur que l'autre prenne sa place... Quelle idiote je suis ! Je n'aurais même pas du l'appeler. Ou alors j'aurais du me nettoyer avant. Pour ma décharge, je n'avais pas vraiment la tête à penser à cela. Ce rappel à la réalité me donne un peu d'énergie.

- Excuse-moi.

Je ne sais pas si j'aurais été capable de dire plus. Je n'essaie même pas. Je me lève tant bien que mal, aidée de mon ami, et me dirige, pas franchement sur une ligne droite, vers la salle de bain. Je n'allume pas la lumière de peur de paniquer en croisant mon reflet dans le miroir. Dean a raison. Il faut que je prenne une douche. Cela ne pourra me faire que du bien. Pourtant, maintenant que plusieurs mètres nous séparent, je recommence à m'angoisser. Je sais qu'il est là et qu'il restera. Mais cela ne m'empêche pas d'avoir de nouveau froid. Je balance ma tenue de travail dans un coin, là où je ne la verrai pas, et entre dans la douche. Je laisse l'eau chaude couler dans mes cheveux et sur ma peau sans essayer d'en deviner la couleur. J'essaie de ne penser à rien d'autre qu'à Dean, dans la pièce d'à côté. J'essaie de me concentrer sur sa présence plutôt que sur les événements de la journée. Quand l'eau devient trop chaude, j'ouvre le robinet d'eau froide et me savonne frénétiquement, comme si je voulais arracher la moindre trace de ce maudit sang de ma peau.
J'ignore le temps que j'ai passé sous l'eau. Je n'ai plus la notion du temps aujourd'hui. Je sais que j'ai du mal à tenir debout. Je me sèche sommairement, souhaitant retrouver mon ami au plus vite. J'allume le néon qui éclaire le miroir, seule lumière accessible depuis l'intérieur de la pièce. Plus aucune trace de sang. Si mes yeux n'étaient pas aussi rouges, on pourrait croire que rien ne s'était passé. Je détourne les yeux, ne pouvant me supporter plus longtemps. J'attrape un jogging et un débardeur que j'enfile avant d'éteindre le néon. Le pire est passé semblerait-il... Maintenant que je n'aie plus de sang sur le corps, je me sens plus légère. Maintenant que Dean est là, je me sens un peu moins monstrueuse. Je sors de ma tanière.

En ce moment précis, j'aimerais être dans sa tête. Je voudrais juste savoir à quoi elle pense pour pouvoir l'aider d'avantage. Si je l'avais découverte moi même dans cet état là, sans qu'elle me téléphone avant, elle m'aurait certainement dit que j'en avais assez fait, que tout allait s'arranger. J'en n'en aurais pas cru un mot comme je ne la croierais pas si là, maintenant, elle me sortait ces mêmes mots. Quand on pleure à ce point, on a besoin d'une aide et pas qu'un peu. Caitlyn m'a sorti de tant de pétrins qu'il n'y a rien que je ne ferais pas pour qu'elle se sente heureuse.

Ca me fait plaisir qu'elle réagisse à mes étreintes ou à mon baiser sur son front. Cela me montre qu'elle n'est pas totalement inconsciente. Qu'elle sait où elle est. Qu'elle a un minimum de contrôle sur elle même. Caitlyn sait où elle se trouve. C'est rassurant. J'ai bien fait de lui préciser que je ne la laisserais pas seule ce soir parceque je commençais à la sentir s'agiter contre moi. J'espère qu'elle ne pensait pas que j'allais la laisser seule vu l'état dans lequel elle est? Ca aurait été une énorme bêtise de ma part. Mon amie est beaucoup trop perturbée ce soir pour rester la moindre minute seule. D'ailleurs, je pense qu'elle le sait. Soudainement, je sens sa respiration se bloquer une fois que je lui eu prononcer le mot "douche". Je ne comprend pas du tout pourquoi mais elle s'excuse.

Pourquoi me présente t elle ses excuses? Elle ne m'a rien fait? Je n'essaye pas de comprendre et met ça sur la crise qu'elle a depuis qu'elle m'a appellé et qu'elle avait certainement avant. Je ne suis pas compliqué. Si on veut me parler, on le fait. Dans le cas contraire, je ne vais pas harceler la personne pour qu'elle m'explique ce qu'il se passe. Ce qui s'est passé ce soir ne regarde qu'elle. Si elle veut m'en parler elle le fera. Je lui fais confiance pour ça.

Elle se lève mais non sans difficultés. Je la soulève plus qu'elle ne se lève. La chaleur qu'elle dégageait mine de rien me manque... Je la laisse devant la porte de la salle de bain, prêt à la receptionner lorsqu'elle en sortira. Je ne suis pas à l'aise de la laisser seule dans cet état là mais je n'ai pas le choix. Je me contente de m'appuyer contre le mur et croise les bras avant de remarquer que le sang que Caitlyn avait sur elle est à présent sur moi aussi... Il ne faut pas qu'elle panique de nouveau. Quest ce que je pouvais faire? Je décroise les bras pour mesurer l'étendue des dégats tout en respirant profondément. Il ne reviendra pas. Caitlyn est à côté. Je devais me le répéter encore et encore. Caitlyn était juste à côté.

Ma respiration était quelque peu saccadée maintenant mais j'essayais sincèrement de rester tranquil. J'avais dormi ici plus d'une fois. Il devait bien y avoir quelques vêtements à moi qui traînaient? Non. Rien ne traînait ici, tout était rangé. Bon. J'ai tout de même enlevé mon tshirt et ai refermé ma chemise directement sur mon torse. Je n'aimais pas la sensation que procurait le tissu sur ma peau mais s'était toujours mieux que d'avoir l'odeur du sang dans mes narines. De plus, je ne voulais pas que l'odeur atteigne les siennes. Le tshirt? Je l'ai mit à la poubelle. Je m'occuperais de lui sortir le sac en sortant. Heureusement que mon jean est clean, parceque là j'aurais été embêté!

J'attendais patiemment qu'elle ressorte. Je ne devais pas la presser. Elle devait aller à son rythme.

Caitlyn était bien resté un quart d'heure là dedans. Peu importe. Je la laisse s'avancer seule vers le canapé cette fois tout en restant pas loin au cas ou... Je me met à côté d'elle.

- Caitlyn, tu devrais manger quelque chose, tu ne crois pas?

Si je lui proposais ça, s'était uniquement parceque je la trouvais fatiguée... Elle n'avait pas l'air dans la même forme que d'habitude. Cela pouvait se comprendre étant donné qu'elle avait pleuré toutes les larmes de son corps en une soirée... Je m'inquiétais pour elle...

Dean m'attend à la sortie de la salle de bain. J'aimerai lui sourire mais je n'en ai pas vraiment la force. Pourtant, sa présence me réconforte. Silencieusement, je me dirige vers le canapé. Ça ne tangue plus. Si j'ai toujours mal à la tête, je n'ai plus l'impression d'être sur un manège, ou sur un bateau. J'ai cessé de pleurer. Je tremble encore un peu mais je tiens sur mes jambes. Il avait raison. Une douche ne pouvait que me faire du bien. Après tout, il était le mieux placé pour savoir cela. À côté de sa situation, la mienne est vraiment anecdotique... Je ne peux pas pour autant en rire ou m'en foutre. J'ai la gorge serrée et l'estomac noué, comme si j'allais encore pleurer. Je déteste pleurer. Je ne suis pas quelqu'un d'émotif. Mais la situation est particulière, n'est-ce pas. La lumière m'aveugle un peu. Dean reste derrière moi pendant que je marche. D'ordinaire, je l'aurai boudé pour cela. Aujourd'hui, je lui suis reconnaissante. Finalement, j'arrive jusqu'au canapé sans avoir besoin d'aide. Il s'assoit près de moi.

« Caitlyn, tu devrais manger quelque chose, tu ne crois pas? »

Manger ? Je n'en ai pas envie. J'en aurai bien besoin, c'est sûr. Cela doit faire vingt heures que j'ai mangé pour la dernière fois. Sauf si les cafés et chocolat chaud compte... Mon estomac est noué. À l'idée de manger, mon estomac se retourne. J'en ai la nausée. Comment pourrai-je manger après ça ? Mais il n'en sait rien. Je devrais peut-être lui expliquer... Cela me soulagerait certainement. Peut-être que ma douleur et ma haine vont glisser comme le sang l'a fait dans le siphon de la douche... Mais il a raison... Encore une fois. Je devrais manger.

- Je devrais. Mais je ne peux pas.

Même si ma voix est rauque tant j'ai pleuré, je peux enfin faire une phrase cohérente. Je me sens moins morte. J'ai conscience de tout ce qui m'entoure, mais surtout de Dean. Je fuis son regard depuis qu'il est arrivé. Je pose ma tête contre son épaule. Je suis épuisée mais je sais que le sommeil ne viendra pas me chercher. Je suis trop tendue pour ça. Je suis trop fautive pour trouver le sommeil. Je respire profondément et essaie de prendre du recul. Il faut que je lui raconte. Il est le seul à qui je puisse le dire. Je n'oserai pas le raconter à qui que ce soit d'autre, même si tout l'hôpital est au courant. C'est en partie pour lui que je me suis véritablement investie dans ces études longues et pénibles. Je dois lui dire que je n'y arriverai pas. Je dois lui dire que j'ai l'intention de ne plus jamais retourner à l'hôpital, de mettre un terme à mon internat.
Je prends une grande inspiration avant de me lancer.

- Un enfant est arrivé aux urgences dans la soirée. Il... Il saignait énormément. On lui a tiré dessus. Et c'est moi qui ait pris en charge ce gamin. Je lui ai dit que j'allais m'occuper de lui. Et je l'ai tué... Je l'ai... Je l'ai tué.

J'ai raconté ça d'une traite, dans les grandes lignes. L'essentiel est là. Je pince les lèvres et serre les poings pour m'empêcher de pleurer. Je garde ma tête contre son épaule pendant que je me bats contre moi-même. La douleur est moins violente, pourtant elle est toujours présente. Mais maintenant que je l'ai dit, j'ai l'impression que le poids sur mon cœur devient moins lourd. Il ne disparaît pas mais s'atténue. Je ne demande plus à mourir, juste à oublier. Oublier la peine, le chagrin, la douleur, la colère, la haine, la rage, l'horreur, la peur, l'angoisse, la faim, la soif. Je voudrais oublier tout ça et ne m'accrocher qu'à celui qui est là, près de moi, et qui supporte mes jérémiades pitoyables.

Mon sourire est si absent sur mes lèvres depuis que j'ai 16 ans que de voir celui des autres me met intérieurement de bonne humeur. Peut être est ce une de ses petite chose qui fait qu'il ne peut pas prendre le dessus sur moi. Ce soir, je ne verrais certainement pas celui de Caitlyn... Nous sommes apparament dans le même état d'âme sauf qu'elle le vit moins bien... Moi je suis un habitué. Croyez moi, j'aimerais ne pas le dire. Mais c'est comme ça. Oui. Ca fait parti de ma vie... Et j'aurais aimé que non. Mais dans un sens, je n'aurais peut être jamais rencontré Caitlyn et Ivan si il n'était pas venu envahir le même corps que le mien. Dois je le remercier pour ça? Ou penser aux autres cinquantaine de gens qu'il a tué? Le choix est difficile. Si il n'avait pas été là, Caitlyn et Ivan n'auraient peut être pas marqué à ce point ma vie. Mais aussi, tant de personnes ne seraient pas mortes par sa faute. Alors que là, il m'habite et tu quand il le peut... Mais j'ai ma nouvelle famille avec moi...

- Je devrais. Mais je ne peux pas. me répond elle une fois que je lui eu dit qu'elle devait se nourrir.

Une fois que nous sommes assis, sa tête vint se presser contre mon épaule. Sa voix est différente. Mais je ne m'en préoccupe pas. Ce qui me dérange se sont les inspirations qu'elle prend. Elle doit vouloir me parler de ses misères. Je suis bien entendu tout ouie si elle est prête. Moi ça ne me gène pas. Ce que j'espère c'est que cela ne la dérangera pas plus. Caitlyn a assez souffert comme ça pour être obligé de passer par les mêmes choses difficiles juste en me racontant son histoire. Elle n'a pas à le faire. Peut être se sent elle obligée? Je n'en sais rien... Je l'entends respirer à nouveau profondément.

- Un enfant est arrivé aux urgences dans la soirée. Il... Il saignait énormément. On lui a tiré dessus. Et c'est moi qui ait pris en charge ce gamin. Je lui ai dit que j'allais m'occuper de lui. Et je l'ai tué... Je l'ai... Je l'ai tué.

Je n'ai pas le temps d'analyser ses phrases que des souvenirs me reviennent en tête. Des flash back comme on dit. Mes yeux se ferment d'eux mêmes et je revois la scène.

Je suis dans la rue. Assis sur un banc... NON. Je dois reprendre depuis le début.
Je n'ai pas de contrôle sur moi. Il est assis sur ce banc qui sent la peinture mais qui est sec. Il fait mine de lire un journal. Mine de parceque ce journal doit dater d'une semaine au moins. Ce soir, il veut tuer quelqu'un qui se remarquera. Pas un clodo dont tout le monde se fout comme de l'an 40. Il veut tuer quelqu'un qui passera aux nouvelles. Il veut que l'on parle de lui.

Je ne veux pas me souvenir. Mais la phrase de Caitlyn se répète dans ma tête. "On lui a tiré dessus". Je ferme les yeux et ne contrôle plus mes actes alors que je sais que je reste moi. Mes mains dans un automatisme effrayant se plaquent contre mes tempes alors que le souvenir me reviens à nouveau.

Un gamin. Pas très agé. Il joue dans la rue. Il sera la victime. Il ne se fait pas prier. Il se lève de son siège. Pose son journal. D'un pas félin et discret, il va faire l'enfant. Celui ci le regarde. Me regarde. Il n'a pas l'air effrayé. Pas pour l'instant. Un sourire épouse ses lèvres et il sort son pistolet. Les traits de l'enfant se déforme.

- Là on parlera de moi!

Il tire. Un grand bruit résonne dans la ruelle alors que j'essaye de lui hurler qu'il est cinglé.Il est si près que son visage... Mon visage s'en retrouve éclaboussé. Tout comme ses vêtements... Mes vêtements. Je ne peux rien faire. Je ne peux rien faire!! Je n'ai rien put faire. "On lui a tiré dessus". IL lui a tiré dessus.

- Je lui ai tiré dessus! J'ai tué ce môme!

Je contre la crise de larmes qui menace j'ignore comment. Je ne sais pas comment je trouve la force de ne pas fondre à nouveau. Je pensais avoir épuisé toutes mes ressources. Si il n'était pas arrivé, j'aurai fini par m'endormir, complètement épuisée, à même le sol. Mais il est là. Je savais que sa présence me calmerait. Je ne pensais cependant pas qu'elle me donnerait de la force, celle de continuer au moins au vivre faute de mieux. Je lui ai balancé ces mots un peu comme ils me venaient. C'est au moins ordonné comme réponse. Tout est dit. Tout est clair. Tout est su. J'ai été honnête envers lui. Je lui ai raconté ce qui me pesait. S'il n'était pas venu, je n'aurais sûrement jamais parlé de cela à personne. J'aurai gardé ça pour moi, jusqu'à ce que le poids de mon crime ne devienne trop lourd et fasse de moi un fait divers dans le journal. Mais maintenant que je lui ai tout raconté, l'essentiel du moins, il se raidit. Je le sens car ma tête repose toujours sur son épaule. Je ne peux que le comprendre. Je suis l'innocente Caitlyn Sheppard, dynamique, marrante, toujours joyeuse. À présent, on peut enlever l'adjectif devant mon nom. Sa réaction me blesse. Mais je ne peux pas lui en vouloir.

Alors qu'une larme glisse doucement le long de ma joue, Dean me repousse violemment et plaque ses paumes contre ses tempes. Au début, je m'arrête simplement à son rejet. Je reste bloquée quelques instants, choquée par sa réaction que je ne comprends pas. Ce n'est pas de lui. Jamais il ne me repousserait de la sorte. Il sait l'importance qu'il a pour moi. Je me demande même s'il est conscient de ses gestes. Je le fixe quelques instants, le temps de rassurer. Ce n'est pas ce que j'ai fait qui le rebute. Mais s'il m'a repoussée ainsi, je ne vois qu'une solution... L'autre est en train de prendre le dessus. Non. C'est impossible. Ce n'est pas ça. Il y a autre chose. Mais quoi ? Je fixe les traits de Dean, tordus d'horreur. Je n'aurai pas provoqué une telle émotion en lui. Et les traits de l'autre ne ressemble en rien à ceux qu'arborent mon ami. Je ne sais pas ce qu'il se passe. Je suis proche de la panique. C'est alors que Dean parle, enfin.

« Je lui ai tiré dessus! J'ai tué ce môme! »

Il crache ces mots. Au départ, ils n'ont pas de sens. Je ne comprends pas pourquoi il me dit ça. Mais sa seconde phrase m'éclaire. J'ai encore du mal, et j'en aurais toujours, à assimiler l'idée que Dean soit un assassin. Ceux qui pensent ça ne le connaisse pas. Pour moi, il y a Dean, et il y a l'autre. C'est l'autre qui tue. Dean est adorable. Le fait qu'il utilise la première personne pour parler des crimes de l'autre est perturbant. J'ai l'impression de me reconnaître dans ces mots qu'il prononce. Il dit après tout la même chose que moi... Sa douleur semble plus grande que la mienne. Tout à coup, mon courage revient. C'est nécessaire. Mais que dire ? Que ce n'est pas grave ? Ce serait un mensonge et il serait blessé par celui-ci vu l'état dans lequel j'étais... Je le force à me regarder, droit dans les yeux.

- Ce n'est pas de ta faute. C'est de la sienne. Et de la mienne. Mais certainement pas de la tienne.

Cela dit, je me blottis contre lui faute de pouvoir le serrer dans mes bras. Je me rassure en pensant que sa réaction n'avait rien à voir avec moi. J'ai eu tort de me sentir blessée. Mais je ne peux réprimer mes larmes plus longtemps. Je me cache du mieux possible. Dean ne me fait pas peur. L'autre non plus à vrai dire. Mais le fait que ce dernier ait commencé un travail que j'ai fini me donne la nausée. Je crois que c'est la pire nuit de ma vie... Je ne veux pas que Dean se sente coupable de quoi que ce soit. Lui n'a pas fait exprès. Il n'a même pas pu empêcher l'autre d'agir. Moi... moi j'aurai pu sauver cet enfant. J'aurai même du le sauver. Dean n'a rien à voir là-dedans. La personne que je hais, ce n'est pas lui, ni même l'autre. La personne que je hais n'est autre que moi.

Ma réaction a été violente c'est vrai. Mais je ne m'en suis pas rendu compte. Je n'ai pas vu à quel point je devais avoir envoyé valser Caitlyn sur le canapé. Je ne le voulais pas. Ca a été instinctif. Ma tête me fait souffrir tant ces souvenirs qui y reviennent sont pénibles. Je n'arrive pas à me permettre de pleurer. C'est ce gamin qui est mort. Je n'ai pas le droit de pleurer parcequ'il l'a tué. Je le ressens comme ça. Mais ma rage envers moi même est intense. J'ai du effrayer Caitlyn. Ou peut être même la décevoir. Mais je ne l'ai pas fait exprès. Non, ça n'est pas une excuse. Mes yeux ne veulent pas s'ouvrir, de peur de voir la réalité en face. Je l'ai tué... C'est lui qui l'a tué mais j'étais là et Caitlyn est en train de culpabiliser maintenant... Par ma faute. Sa faute. Je ne sais plus...

Après la phrase de Caitlyn, c'est au tour de la mienne de sonner dans ma tête. "J'ai tué ce môme". Qu'ai je fait?... Que puis je faire? Je n'arrive pas à consoler Caitlyn et voilà maintenant que je la met dans la même situation que la mienne il y a quelques minutes de ça. Je suis un monstre. Elle n'a pas l'air de se rendre compte de la gravité de mon acte. Ca n'est pas elle qui a tué ce gamin, c'est moi! Ou du moins, c'est mon corps. Mes mains. Même si ça n'est pas mon esprit. Comment puis je vivre avec le sentiment de culpabilité que j'ai fait ressentir à Caitlyn alors que ce môme est allé à l'hopital par ma faute? Que doit elle penser de moi maintenant que je lui ai fait cet aveu?...

Soudainement, je sens une douce chaleur sur mes joues. De surprise, mes yeux s'ouvrent d'eux même et je me retrouve face à face avec le regard de mon amie. Je retiens toujours mes larmes mais je sais que mes yeux doivent être humide. Je ne suis pas quelqu'un de bien. Qu'ai je fait? Le garçon était innocent et il était mort à l'heure qu'il est. Par ma faute... De mes propres mains. Même si je ne contrôlais pas mes actes, s'était resté mes mains. Mon corps. Je l'avais tué. Pourquoi cette pensée ne voulait elle pas se tourner en "il l'avait tué"? Je n'arrivais pas à me le dire. S'était ma faute... Je pus voir les lèvres de Caitlyn remuer. J'écoutais ses paroles.

- Ce n'est pas de ta faute. C'est de la sienne. Et de la mienne. Mais certainement pas de la tienne.

Au début, je ne les compris pas bien. Je la laissais se blottir contre moi à nouveau. J'étais tellement dans mon monde que je n'avais pas saisis le sens de ses paroles. Je sentis ses larmes humidifier ma chemise avant de me concentrer sur ce ce qu'elle venait de me dire. Sa faute?!! A elle?! Pourquoi le pense t elle?! Le gamin était mort de toute façon puisque mes mains avaient fait le nécessaire pour! Comment peut elle se sentir coupable de mes actes??! Non. Je ne la laisserais pas dire ça!

Je la repousse, la faisant me lacher, et la regarde dans les yeux, réflechissant bien à mes paroles. Je suis hors de moi de la voir prendre possession de ma culpabilité. Comment peut elle se mettre à la place d'un assasin? Les médecins font de leur mieux! Et le gamin était mort! Je le sais! Je l'ai vu!

- Es tu idiote?!! Tu n'as pas le droit de me sortir ça en espérant que cela me consolera! D'où est ce que tu sors cette connerie?!! Ca n'est pas ta faute! Mes mains ont fini le travail! Il était mort avant que je m'en aille des lieux. Tu ne l'as pas tué!! - J'agrippe ses épaules pour la secouer un peu- Tu n'y es pou rien! La seule chose que tu peux te reprocher pour le moment, c'est d'avoir été assez stupide pour croire que tu pouvais tuer quelqu'un!!

Si j'avais pu la claquer je l'aurais fait! Mais je ne frappe pas les filles... Encore moins elle. Caitlyn est mon amie. Je voulais juste qu'elle comprenne... Tout à coup, je me suis senti idiot de l'avoir agressé de la sorte... Je ne disais plus rien et me contentais de la regarder en me mordant la lèvre. Que pensait elle du Dean qu'elle connaissait maintenant?... Je n'avais pas voulu l'engeuler comme ça... Mes mains montent d'elles mêmes sur ses joues. Puis j'approche mon visage du sien avant que nos lèvres ne se rencontrent.

Les yeux de Dean sont humides, à l'instar des miens. Je me rends compte que je ne l'ai jamais vu pleurer. Il aurait pourtant souvent eu l'occasion de le faire devant moi... Enfin peu importe. Je ne supporte pas de le voir ainsi alors qu'il n'a rien à voir dans l'histoire. Lui n'a rien fait, un point c'est tout. Moi par contre j'ai promis à un enfant une chose et j'ai fait exactement le contraire. C'est pour cette raison que j'ai prononcé quelques phrases. Je pensais mes mots et je les ai pesé avant de les dire. Il ne fait pas partie des coupables. Les seuls à être coupable ici sont l'autre et moi, même si cela implique que je sois sa complice. C'est la vérité, je n'ai rien inventé. Je n'extrapole. Je ne fais qu'énoncer des faits. Des faits qui me blessent au plus profond de mon cœur, mais des faits tout de même. Je ne sais pas comment tenir le choc. C'est pour cette raison que je me blottis contre lui. J'essaie de me raccrocher à lui, à ce seul espoir qui me reste. J'aurai préféré que l'autre n'ait rien à voir dans cette histoire. Cela aurait simplifié la tâche. Je peux sans me tromper deviner ce qu'il pense. S'il se sent aussi coupable, c'est par ma faute. Je les enchaîne ce soir ! S'il se sent aussi coupable, c'est parce que le môme sur lequel l'autre a tiré s'est retrouvé entre mes bras et qu'il y a poussé son dernier souffle. Tel que je connais Dean, il pourrait sans doute aucun penser que si je suis aussi triste, c'est de sa faute. Il fait toujours retomber les actes de l'autre sur lui, comme s'il avait pu faire quoi que ce soit pour empêcher les choses !

Et puis, sans que je ne m'y attende, il me repousse, volontairement cette fois. Si l'acte est moins violent en lui-même, le fait qu'il relève de la volonté de Dean me touche. Il plante son regard dans le mien. Je ne bouge pas. Il a l'air furieux... Je ne l'ai jamais vu aussi en colère, et encore moins contre moi. Son regard brille d'une façon qui m'est inconnue. Il est toujours lui mais bouillonne. Je n'ai dit que la vérité ! Je n'y peux rien ! Sinon j'aurai changé les faits pour que ce gosse vive !

« Es tu idiote?!! Tu n'as pas le droit de me sortir ça en espérant que cela me consolera! D'où est ce que tu sors cette connerie?!! Ca n'est pas ta faute! Mes mains ont fini le travail! Il était mort avant que je m'en aille des lieux. Tu ne l'as pas tué!! »

Les yeux écarquillés par la surprise, je ne bouge toujours pas. Il ne m'a jamais parlé comme ça, avec un tel ton. Je suis une idiote, c'est certain, d'avoir cru que je pouvais devenir un bon médecin. Il dit que c'est lui qui a fini le travail, mais son cœur battait encore quand il est arrivé. J'aurai du le sauver. Et oui je l'ai tué ! J'aurais voulu rétorquer mais il ne m'en laisse pas le temps. Il saisit mes épaules et me secoue tandis qu'il continue.

« Tu n'y es pour rien! La seule chose que tu peux te reprocher pour le moment, c'est d'avoir été assez stupide pour croire que tu pouvais tuer quelqu'un!! »

Je sens les larmes arriver. Si j'y suis vraiment pour rien, pourquoi est-ce que je me sens aussi mal ? Ce n'est pas le fait de n'avoir rien pu faire qui me torture. C'est... Autre chose, quelque chose d'encore plus douloureux. Il me reproche d'être assez stupide pour croire que je peux tuer quelqu'un... Je ne le croyais pas. Mais c'est pourtant ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Et tout ce qu'il pourra dire n'y changera rien. À présent, il se tait et mord sa lèvre. Je baisse la tête, abattue par ses paroles et la façon dont elles ont été prononcées. À présent, la culpabilité envers l'enfant est reléguée au second plan. L'émotion qui prédomine est la peine. Dean a peut-être raison sur le fond... C'est l'autre qui a tiré. Je ne pouvais peut-être pas le sauver... Et maintenant, j'ai réussi à faire entrer mon ami, celui qui s'est déplacé parce que je l'ai appelé au secours, celui qui a toujours été là pour moi, celui que j'aide du mieux que je peux, dans une colère si noire qu'elle m'effraie et me donne une fois de plus envie de disparaître.

Ses mains remontent doucement et se posent sur mes joues. Honteuses, je relève la tête. Je vois son visage s'approcher du mien, doucement. Et ses lèvres se posent sur les miennes. Oh ! Les yeux grand ouvert par la surprise, je ne sais trop quoi faire. Je finis par fermer mes paupières. Je ne les rouvre que lorsqu'il s'interrompt. Oh mon Dieu... Je reste parfaitement immobile, sous le choc de ce baiser inattendu. Jamais je n'aurai imaginé ça, même si j'avais été dans mon état normal. Je ne sais pas comment réagir. Pourquoi m'a-t-il donné ce baiser ? C'était un coup de tête... Ou bien c'était réfléchis ? En trois secondes, je suis passé de la pâleur d'un cachet d'aspirine à la rougeur d'une tomate bien mûre, et de la honte à la confusion la plus totale.

Je suis certain que je l'ai ébranlé avec mes paroles. Jamais je n'avais osé lui parler comme ça! En même temps, jamais l'occasion ne s'était présentée... Ses yeux sont écraquillés et je devine qu'elle est touchée violamment par mon geste. Mais je suis furieux qu'elle puisse penser une telle chose d'elle même! Je suis outré! Je ne veux pas qu'elle se traite en assassin! Elle n'en est pas une! Loin de là. Caitlyn est une sainte. Elle est celle dont tout le monde a besoin à ses côtés. Tout particulièrement moi. Dean Wilson. J'ai besoin de Caitlyn Sheppard. J'ai une nécessité étouffante de la voir heureuse. Elle le mérite! Elle n'a aucune raison de s'en vouloir. La est la raison de ma colère.

Avant que je ne lui rappelle qu'elle n'y est pour rien dans tout cela, je la vois. Je la regarde et je perçois sa surprise. Forcément. Cette réaction était obligatoire. Jamais je ne l'avais traité d'idiote. D'ailleurs je ne le pensais pas... Pas entièrement. Pas dans le but de douter de son intelligence. Mais dans le but de lui ouvrir les yeux. De lui montrer que rien de tout ça ne serait arrivé sans moi. Sans lui. Elle ne bouge pas face à mes paroles. Elle m'écoute. Je dois attirer toute son attention comme je ne me suis jamais enervé contre elle.

Une fois mon coup de gueule finit, je m'en veux à mort... Je m'en veux d'avoir élevé la voix. J'ai peur qu'elle culpabilise encore plus de m'avoir fait hurler contre elle. Je commence à la connaître, et c'est tout à fait son genre. Elle baisse la tête pour confirmer mes pensées... J'avais réussi le pompom ce soir. Après avoir tué un gosse, voila que je rendais la personne qui comptait le plus pour moi malheureuser au possible. C'était moi l'idiot. Pas elle...

Ses yeux ne sont pas dans les miens lorsque mes mains montent sur ses joues. Mais ils ne tardent pas à s'y plonger. Elle ne me touche pas lorsque mes lèvres embrassent les siennes. Mais je ne vois pas sa réaction. Mes yeux se sont refermés déjà... Je me recule et la regarde peu de temps après. Elle ne bouge toujours pas... Mais son visage change momentanément de couleur. Je souri... Je souri! Face à sa réaction, je souri! Alors qu'elle ne sait pas comment réagir et est rouge comme une pivoine, mes mains ne quittent pas la douceur de sa peau et un sourire se pose sur mes lèvres.
Si j'ai fait ça, c'est pour lui montrer mais aussi me prouver à quel point elle m'est nécessaire... Je ne l'ai jamais fait avant... Je l'ai vu dans des films. Lu dans des livres. Mais je n'ai jamais fait ça. J'attends une quelconque autre réaction de sa part alors que je lache ses joues pour retrouver ses mains...

Je la regarde. Je ne sais pas comment lui expliquer mon geste... Puis je seulement me l'expliquer à moi même avant? Pourquoi l'ai je embrassé?... Je ne sais même pas ce que c'est d'aimer quelqu'un... Ca n'est pas ce que je voulais dire. J'aime Caitlyn et Ivan mais je ne suis jamais tombé amoureux... Comment peut on le savoir? Peut être que je peux essayer de lui donner une explication.

- J'ai besoin de toi...

Comment une journée qui avait commencé le plus normalement possible pouvait-elle se solder d'une façon aussi... étrange ? Un bilan s'impose. Il y a d'abord eu l'enfant. Puis j'ai passé plusieurs heures seule dans le noir à rager et à souhaiter mourir. Dean est arrivé et m'a calmé. Il a dit que le gosse était mort par sa faute et s'est énervé violemment contre moi. Tout ça pour finir par déposer un baiser sur mes lèvres. En quelques heures, j'ai connu une multitude de sentiments divers et variés. Je me suis sentie coupable de la mort d'un enfant puis de la colère de mon ami. Cette dernière m'a d'ailleurs mise plus bas que terre. Ce n'était pas son intention, je le sais bien. Mais le voir aussi énervé contre moi, l'entendre presque crier, me secouer, me traiter d'idiote... C'était horrible. Je crois que Bruce n'aurait pas pu faire mieux. Je ne pensais pas que de simples mots, un simple regard, pouvaient avoir autant d'impact. Même Jane n'aurait pas pu me blesser autant. Comme quoi Dean compte énormément pour moi.
Et puis d'un coup, il m'a embrassée. Et me voilà perdue. J'avais déjà du mal à comprendre sa colère... A présent, je ne comprends plus rien du tout. Ce n'est pas le baiser lui même qui me perturbe. C'était même assez agréable pour être franche. Mais c'est l'identité de celui qui est en face de moi qui m'étonne. Je n'aurai jamais pensé qu'il agisse ainsi avec moi. Nous sommes de très bons amis. Je pensais que cela s'arrêtait là. Je ne comprends pas la raison de ce geste.

Cet étonnement est rapidement remplacé par un autre, à croire que je ne suis pas au bout de mes surprises. Mon regard quitte le sien pour observer ses lèvres. Un sourire y est dessiné. C'est la première fois depuis que nous nous connaissons que je le vois sourire. La première fois. Cette expression lui va à ravir. Moi, je ne souris pas. Je suis bien trop confuse pour cela. C'est... rapide. Je ne suis pas assez en forme pour tout encaisser. Mais jamais je n'oublierais cette merveilleuse image de Dean souriant, et je ferai tout pour qu'elle reparaisse le plus souvent possible. Ses mains quittent mes joues pour mes mains qu'il prend doucement. Mon regard replonge dans le sien, soudain hypnotisant tandis qu'il parle.

« J'ai besoin de toi... »

Quatre mots qui effacent la douleur causés par les trente précédents. Sa colère a disparu derrière ce sourire bref mais sublime. Il a besoin de moi... même s'il ne me l'avait jamais dit avant, je le savais déjà, comme lui doit savoir qu'il m'est indispensable. C'est d'ailleurs vers lui que je me suis tournée ce soir. J'aurai pu appeler Jane, Ivan, Bruce ou quelqu'un d'autre encore. Mais non. J'ai instinctivement appelé Dean. Et maintenant, je suis complètement perdue. Je me doute qu'il n'est pas un habitué de ce genre de chose. Mais qu'entend-il par là ? A-t-il besoin de moi en tant qu'amie ou en tant que... Suffit. Ce n'est pas le moment d'envisager ça. Je détourne le regard quelques instants, le temps d'observer mes mains dans les siennes.

- Je... Je sais, Dean. Et je serai toujours là pour toi, quoiqu'il puisse arriver...Parce que j'ai aussi besoin de toi. Si tu n'étais pas venu, j'aurai sûrement... fait une bêtise.

Une fois de plus, je ne dis que la stricte vérité. J'ai besoin de lui comme il a besoin de moi. En même temps, en disant cela, je ne m'avance pas trop et j'espère ne pas déclencher une fois de plus sa colère. Vu la pagaille actuelle, je ne pense pas pouvoir supporter une fois de plus sa colère à mon encontre. Mais son baiser me perturbe. Il y avait plus que de la reconnaissance ou qu'une simple dépendance à mon égard... Il y avait autre chose... Une chose sur laquelle je n'arrive (ou ne veux) pas mettre le doigt.

L'air que Caitlyn a eu en me voyant rougir m'a fait légèrement baissé la tête. J'étais un peu confus moi aussi mais certainement pas autant qu'elle. J'aurais aimé réfléchir plus avant d'agir mais je pense que tout mes gestes sont réfléchis malgrè moi. Alors quoi?
Je me demande aussi pourquoi "J'ai besoin de toi" ont été la seule explication que j'ai pu lui donner... Ils sont sortis tout seul en fait... Je n'y ai même pas réfléchis. Mais ces mots font partis des choses qu'elle doit savoir. Même si je ne lui ai jamais dit. J'ai eu peur de la blesser et j'ai paniqué. Mais en même temps, mon geste me paraissait naturel. Pourquoi?

Je peux voir son visage se détendre quand je lui sors ces mots. Alors ils ont donc eu un effet positif sur sa santé mentale. Quoiqu'en même temps, je n'ai pas du lui rendre la vie facile en ces quelques secondes. Je l'ai quand même repoussé pour lui hurler dessus et finalement l'embrasser... Je ne suis vraiment pas doué pour rassurer les gens. Bon. Au moins je me suis calmé. Je ne pense plus à l'objet de ma colère. Rejeter la faute sur l'autre ne sert à rien et peut durer une eternité. On ne fait pas un concours pour savoir qui est un assassin ou pas...

Elle baisse son regard sur nos mains réunies. Je ne sais pas à quoi elle pense... Mais au moins elle n'a pas refusé mon baiser. Pourquoi cela m'importe t il autant? Parceque c'est elle? Je suis compliqué à suivre! Ce soir en tout cas, je ne sais pas ce qui m'a pris... Je suppose que je dois le savoir quelque part. Je suis son regard et regarde moi aussi nos mains avant de lever instinctivement les yeux quand sa voix retentie.

- Je... Je sais, Dean. Et je serai toujours là pour toi, quoiqu'il puisse arriver...Parce que j'ai aussi besoin de toi. Si tu n'étais pas venu, j'aurai sûrement... fait une bêtise.

Son hésitation me fait moi même hésiter quand à ma prochaine action... Que puis je faire pour ne pas la perdre à nouveau? "La perdre" je me comprend. Je ne veux pas qu'elle soit perdue à nouveau... Reprendre notre baiser ne l'aiderait certainement pas. Pourtant j'ai besoin de cette proximité. D'elle. J'ai besoin d'elle. Je me répète.
Vraiment, je ne sais pas quoi lui dire... Je devrais peut être la laisser tranquil. Je veux dire, me contenter de la regarder et de la laisser se remettre des dernières minutes. Je pense qu'elle a besoin de calme. De repos sans doute. Parceque de toute manière, je n'irais nul part ce soir. Je resterais ici, chez et avec elle.

Alors voila ma solution. Je n'en di pas plus. Je ne fais rien non plus. On a déjà vu le résultat de mes actions. Je ne veux pas qu'elle soit confuse d'avantage. Elle sait que si elle a besoin de quoi que ça soit, elle peut me le demander. Je garde tout de même ses mains dans les miennes pour qu'elle sache que je suis là. Mais c'est tout.

C'est ce qu'on appelle une situation impossible. Pas impossible au sens propre du terme. Enfin oui mais non. Je me comprends. Mais je ne le comprends pas lui. Ça ne m'était jamais arrivé avant d'être aussi confuse. C'est vraiment la pagaille aujourd'hui. C'en est peut-être même un peu trop pour moi. Je ne suis pas capable d'ingurgiter autant d'informations en si peu de temps. Je ne suis pas capable de gérer autant d'émotions différentes. Je n'ai pas les épaules pour. Je suis vraiment paumée. C'est le mot. Que voulais dire Dean ? C'était quoi ça ? Et qu'est-ce que je dois faire maintenant ? Il ne semble pas vouloir parler tout de suite de ce qu'il vient de se passer. Dommage, ça m'aurait certainement aidée à percuter. Il se contente de m'observer. Si le baiser n'était pas désagréable, ça, ça l'est. J'ai l'impression d'être super lente à comprendre, comme si lui avait déjà tout compris et qu'il voulait que je comprenne toute seule. Mais je n'y arrive pas, et ce n'est pas près de venir. Je suis complètement vidée. Et je n'ai pas suffisamment d'énergie pour tenir le coup. Parfois, je me demande pourquoi je n'ai pas d'alcool à la maison. Pour une fois, cela m'aurait été bien utile. Un verre de whisky aurait été le bienvenue...
Tout compte je sais pourquoi il n'y a pas d'alcool ici. C'est justement pour ne pas tenter le diable. Oh misère... Cette journée, ou plutôt cette nuit, n'est pas prête de finir.

Les yeux rivés sur nos mains, je me rends compte que nous n'avons jamais été aussi proche. D'un côté, c'est la première fois de toute ma vie que j'appelle pour que quelqu'un vienne à mon secours. En général, j'attends tout simplement. Cette fois-ci, c'était plus grave. Je ne sais pas. Je ne sais plus. C'est vraiment infernal. Je n'y arriverai pas. Pourquoi n'est-il pas plus clair ? Cela ne lui ressemble pas de faire des détours et d'être aussi peu clair. Est-ce qu'au moins il a réfléchi a ce qu'il a fait ? Ou bien a-t-il agi à l'instinct ? Allez savoir ! Ses mains réchauffent les miennes. Toute peur en moi a disparu. La seule qui subsiste est celle de mal réagir. Je ne sais pas quoi penser. Il a besoin de moi. Certes. C'est le propre de l'amitié. On a toujours besoin de nos amis. Après, il est vrai que le besoin n'est pas le même envers tout le monde. Et il est encore plus vrai que j'ai tendance à préférer Dean aux autres. Peut-être qu'il ressent la même chose, ou pas. Je n'en sais rien et ça me rend dingue. Ces histoires d'assassins, d'innocents, de complices et de baisers me rendent folle. Il n'y a qu'un seul moyen de trancher. Malheureusement, je ne possède qu'une partie de ce moyen.

- Dean ?

Au moins, je ne peux plus me défiler. Quoique je pourrais prétexter avoir très soif et aller me chercher un verre d'eau... mais j'ai peur de m'éloigner. Il a le don de me faire me sentir en sécurité. Je plante mon regard dans le sien. Je suis morte de trouille, de fatigue et de tout ce que vous voulez. Pourtant, je ne peux pas patienter éternellement. Je dois savoir sinon je suis bonne pour passer des heures entières à me questionner sur son comportement étrange. J'y peux rien. Je suis une femme. Il est dans ma nature de me poser mille et une questions dès que quelque chose me paraît étrange. Et là, c'est plus qu'une apparence. Allez... Je me lance.

- Qu'est-ce que tu essaies de dire ?

Je laisse mes mains sur les siennes alors que j'attends qu'il me réponde. Pas facile d'être patiente dans mon état.

Sa réponse une fois donnée, Caitlyn regarde nos mains à nouveau. Nous n'avions jamais eu de contact physique si proche auparavant... Et je m'en rend compte que maintenant alors que je l'ai embrassé! Nous nous contentions de tape sur l'épaule, ce genre de chose. Mais il n'y a jamais rien eu d'autres comme les gestes que nous avons échangé ce soir. Pas d'étreintes. Pas de baiser. Je ne dis pas que nos mains ne se sont jamais tenues l'une l'autre, je mentirais. Mais ça n'avait pas la même... Signification. La même ampleur. Nous nous consolions par ce geste. La aussi nous essayons de rendre son aise à l'autre mais c'est différent... Quoi qu'en même temps, je ne suis pas d'une aide précieuse en ce qui concerne la consolation aujourd'hui... La confusion est plus à l'ordre du jour. Même pour moi.

Elle doit necessairement penser le contraire. Que je savais très bien ce que je faisais et que je l'avais perdu en route. Qu'elle devait avoir loupé un wagon ou carrément la locomotive! Alors qu'en fait, je n'en savais pas plus qu'elle et je ne savais plus réellement où me mettre maintenant que j'y avais réfléchis. Je ne savais pas plus qu'elle quoi faire pour l'atmosphère se détente. Pour que l'ambiance bonne enfant que nous partagions d'habitude retrouve sa place... Il est vrai que nous sommes amis mais sommes nous que ça? Uniquement ça? Pourquoi la question me vient elle en tête maintenant alors que je la connais depuis quelques années maintenant?... C'est à n'y plus rien comprendre. La seule chose que je comprend c'est sa confusion qui doit être encore plus forte que la mienne...

- Dean?

Je l'entend pronocer mon nom et relève les yeux vers elle. Je suis remplit d'impatience de ce qu'elle va me demander mais de peur aussi de cette même chose... Elle noit ses yeux dans les miens et cela me déconcentre, me sort de mes pensées. Je me contente d'écouter ce qu'elle a à me dire, un noeud étrange se formant dans mon estomac.

- Qu'est-ce que tu essaies de dire?

Hmmmm... La question que je redoutais... Qu'est ce que j'essayais de lui dire?... Je voulais qu'elle sache qu'elle comptait énormément pour moi. Elle le savait. Que j'avais besoin d'elle. Non seulement elle le savait mais en plus je le lui avais dit. Qu'elle... Oh!... Je sais ce que je voulais lui dire. Caitlyn a quelque chose en plus... C'est ça que je devais lui dire! Non, pas cette phrase mais celle que j'avais trouvé. La chose que je venais de comprendre. Mon cerveau est lent... Peut être est ce à cause du fait qu'il doit "gêrer" deux hommes totalement différent.
Je devais lui donner les explications dont elle avait besoin... Je ne devais pas me défiler et de toute façon je ne le pouvais pas. Je pris une profonde inspiration avant de plonger mes yeux dans les siens à nouveau.

- Tu es plus qu'une simple amie pour moi... Caitlyn.

Je l'avais sorti d'une traite pour paraître crédible. Parceque je savais que si j'avais bégayé, elle ne m'aurait pas prit au sérieux. Je devais être fort et ne pas mal réagir quelque soit sa réaction face à ma révélation...
Comment ai je fait pour ne pas me rendre compte de cette affirmation avant?... Nous sommes amis depuis trop longtemps peut être pour que je pense qu'autre chose de plus fort prenne le dessus sur une amitié. Pourtant notre amitié aussi était puissante. Mais l'autre sentiment l'était d'avantage...

Je crois que j'ai été claire. Il essaie de me dire quelque chose. Je sais que c'est important et j'avoue redouter plus que tout ce qu'il va m'annoncer. C'est tellement important qu'il ne m'en parle pas directement. Auparavant, quand il avait quelque chose à me dire, il le faisait directement, sans détour. Mais aujourd'hui, il y a comme une gêne entre nous. Il y a quelque chose qui le tracasse et dont il ne veut pas vraiment me parler. Est-ce que c'est vraiment aussi important que cela ? Quelle angoisse... Heureusement que je n'ai pas le cœur fragile et que visiblement, mes nerfs ne sont pas épuisés. Il faut croire que je suis encore plus solide que je ne le pensais. Mais j'ai peur. Je ne comprends pas... Je suis assez cartésienne il faut croire et complètement perdue. J'ai horreur de ça. Tous mes repères ont disparu en une seule et unique soirée. J'ai la sensation que Dean lui aussi s'efface comme il me cache une chose qui a l'air importante. Qu'il ait besoin de moi est une chose. Qu'il m'ait embrassée... c'en est une autre.
Maintenant que je lui ais demandé des explications, il ne peut plus tourner autour du pot. Les quelques secondes qu'il prend pour me répondre me paraissent une éternité. C'est fou cette capacité qu'a le temps de se distordre, passant plus vite dans les bons moments, plus lentement dans les mauvais. Ce silence entre lui et moi me gêne. Heureusement que nos mains se touchent, sinon je serai devenue complètement folle en l'espace de quelques instants. Cette gêne me blesse. Depuis quand gardons-nous les secrets qui nous pèsent pour nous ? Et puis il inspire profondément avant d'accrocher son regard au mien. Voilà. Il va le dire. Il va m'énoncer ce qui occupe son esprit. Je retiens ma respiration, appréhendant ses mots. Une chose qu'il met autant de temps à dire ne peut qu'être importante.

« Tu es plus qu'une simple amie pour moi... Caitlyn. »

Oui, je le savais. Je suis l'Amie, avec un grand A, celle qui court à votre rescousse quitte à se planter dans des embrouilles dont elle ne pourra pas se dépêtrer indemne, celle qui vous ouvre sa porte si vous avez des ennuis, et même si vous n'en avez pas, celle qui rigole tout le temps — ou presque. Je...
Non... Attendez.... Je peux deviner une certaine crainte dans ses yeux, comme s'il redoutait ma réaction. Dire son amitié à quelqu'un n'importe pas de réelles conséquences. Mais dire... Oh ! Je reste bouche bée. Celle-là, je ne l'avais pas vu venir. Il... m'aimerait ? Où donc sont passés les « tu ne devrais pas traîner avec moi, je suis dangereux pour toi, je vais te causer des ennuis » et autres « je pourrais te tuer n'importe quand » ? C'est... Oh... Je comprends à présent pourquoi il était aussi tendu et timoré. Je comprends aussi pourquoi il a été aussi réactif lorsque j'ai essayé (je dis bien essayé) de le consoler. Il... Et qu'est-ce que j'en pense moi ? J'aurai du le voir venir. C'était évident. Nous sommes bien trop amis pour que cela soit une simple amitié. Mais voilà, je ne l'ai même pas imaginé. L'aurai-je fait que j'aurai tout de même été dans une situation inconfortable. Je ne me suis jamais posée la question, y compris à tête reposée. Comment réagir alors que je suis presque dans un état second ? Comment voulez-vous que je réfléchisse correctement alors qu'il y a quelques heures à peine j'ai achevé un innocent ? J'aurais vraiment besoin d'un double scotch. Il faudrait peut-être que je dise ou fasse quelque chose... Mais quoi ? C'est trop soudain, je ne m'y attendais pas. Mais je ne peux décemment pas rester la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau. Je déglutis difficilement — je n'ai toujours pas bu depuis mon retour. Il est aussi plus qu'un simple ami pour moi. Mais je ne vais quand même pas lui ressortir la même phrase ! Ce serait bien trop convenu. Je crois que ce qu'il éprouve est réciproque. Lorsque mon téléphone sonne, je pense immédiatement à lui. Mais comment le lui faire comprendre sans avoir à le lui dire ? Parce que je n'ai pas envie d'utiliser des mots banals à en pleurer. J'entrelace nos doigts tandis que je me remémore le sourire qu'il a affiché toute à l'heure. Je l'ai rendu presque heureux l'espace d'un instant. Il est inimaginable que je le rembarre. Je tiens trop à lui pour ça. Bon... Je crois que ma décision est prise. En réalité, elle l'était dès le moment où nos mains se sont touchées. Il faut tout de même un temps pour se rendre à l'évidence !
Je penche mon visage vers le sien, ferme les yeux et dépose un timide baiser sur ses lèvres. On dit que parfois, les actes sont plus éloquents que la parole. Comme je ne sais pas quoi dire, autant le montrer à ma façon...

Sans elle, je pense que j'aurais abandonné des tas de fois. Je ne suis pas si fort que ça mentalement. Physiquement peut être, mais dans ma tête, c'est tout un tas de fils entremélés les uns avec les autres que l'ont trouve. Les miens et les siens, ceux de "l'autre moi" si on peut lui donner ce nom. Nos problèmes (surtout les miens) croisent les fils de nos moments de "bonheur". Tout est un mélange bordélique et désordoné dans ma tête. Pas étonnant que je sois "malade". Je devrais peut être réellement accepter l'aide de mes amis un de ces jours?... Non! Je ne peux pas les laisser s'ajouter à cette histoire. Ils peuvent très bien devenir coupable avec lui après...

Si je ne lache pas c'est pour elle et Ivan. Pour mes amis et seule famille qu'il me reste. Je pense que je ferais tout pour eux mais surtout pour elle. Ivan est mon "petit frère", c'est évident que je ferais tout pour lui, mais Caitlyn est une personne avec une toute autre importance pour moi. Pas une amie. Plus qu'une amie. C'est ce que je lui ai dit. J'ai remarqué qu'elle été un peu décontenancée avant que je lui dise la moindre chose. Comme si elle redoutait mes paroles. Elle ne se doutait pas que j'allais lui avouer une telle chose. Qui aurait pu s'en douter avec mon caractère lunatique?

Je n'avais cesser de lui répéter qu'elle risquait sa vie en restant avec moi, que je n'étais pas un gars bien, que je pouvais la tuer à tout moment et maintenant, voilà que je lui avouais presque que j'étais amoureux d'elle. Je n'avais rien contrôlé. J'ai eu un moment de faiblesse et pour le coup, je l'avais réellement entrainé dans mon univers mais aussi dans le sien. Elle était encore plus en danger si elle répondait à mes "avances" et pourtant, qu'elle réponde positivement était la seule chose que je désirais ardemment en cet instant précis.

Elle avait eu une réaction à laquelle je m'attendais mais qui avait mit un peu de temps à apparaître sur son visage. D'abord, elle n'avait pas réellement réagis. Elle se contentait de me regarder comme si elle n'avait pas compris ou je voulais en venir avec ma phrase de série B. Puis, ses traits devinrent différents. Ils changèrent comme si elle devinait de plus en plus le sens de ma confession. Elle rougit et ouvrit la bouche. Elle devait réfléchir à ce qu'elle allait me dire alors que moi je me retrouvais dans la même situation qu'elle il y a de ça quelques secondes à peine.

Puis, ses doigts se serrèrent avec les miens soudainement, me faisant presque sursauté. Son visage se penche vers le mien, tandis que ses yeux se ferment. Oh. Elle m'embrasse, faisant que mes yeux suivent les siens. Mes lèvres caressent les siennes timidement. Sans que je m'en rende compte tout de suite, je m'approche d'elle légèrement et lache une de ses main pour la poser sur sa joue. J'arrête notre baiser pour la regarder dans les yeux. Et si elle faisait ça simplement parceque je suis son meilleur ami et qu'elle a peur de me perdre en me disant non? Pourquoi faut il toujours que je cherche quelque chose?...

Je baisse les yeux. Et pourtant, je sens qu'un léger sourire vient éclaircir mes lèvres. Je suis évidemment heureux qu'elle m'ait embrassé à son tour... Le seul problème c'est que je ne sais pas comment réagir à sa suite...

Je ne peux pas croire que ça se soit passé. J'entends déjà les mauvaises langues dire que c'était prévisible. Les choses n'étaient-elles pas assez compliquées avant ça ? Et voilà... Je ne suis même pas sûre de ses intentions. Et s'il avait juste fait ça pour me consoler ? Mais quel pétrin ! Même s'il pense sincèrement ce qu'il dit, on s'est fourré dans un pétrin incroyable. Et maintenant, nous échangeons des regards gênés. Pratique pour faire passer la pilule. Au moins, ma réaction lui a fait plaisir. Un nouveau sourire éclaire son visage. Va-t-on rester éternellement comme ça, regards fuyants et un peu gênés ? Quelle journée de malade ! Je dois débloquer la situation. Sinon, ça va devenir franchement désagréable. Changer de sujet ? Mauvaise idée. Il pourrait mal interpréter ma « diversion ». en fait ce n'est pas le bon mot. Ce n'est pas une diversion. Enfin si mais c'est pour détendre un peu l'atmosphère... Même si je suis la plus tendue des deux. Trop d'un coup.
J'extirpe mes mains des siennes sans brusquerie. Le but n'est pas de le braquer mais juste de prendre un minimum de recul, histoire d'ingurgiter ce trop plein d'informations.
Tout se mélange. Toute amarre a soudainement disparu, mais par bonheur, la tempête s'est calmée. J'ai juste l'impression d'avoir perdu la terre. Est-ce que je vais retourner à l'hôpital et essayer de devenir un bon médecin ? Ou bien est-ce que je vais être traumatisée à vie par ce môme ? Et comment sera demain ? J'aime Dean, mais cette histoire va franchement être compliquée à gérer. Je serai un danger supplémentaire pour lui et il en sera un pour moi. Je sens que tout ne sera pas rose. Et pourtant, je n'ai pas envie de faire marche arrière.

- Excuse-moi. J'ai besoin de … boire quelque chose. Tu veux quelque chose ?

J'ai soif, je n'en peux plus. Peut-être que le fait d'avaler quelque chose de frais me donnera un peu de force et de courage. Ce que je veux moi c'est de l'alcool. Le genre de truc super fort capable de m'assommer jusqu'à demain. Mais bien entendu, pas de ça chez moi. Je vais devoir me contenter d'eau fraîche et me convaincre que c'est du rhum, ou quelque chose de plus fort.
Sans attendre de réponse, je me lève et me dirige, en titubant, vers la cuisine. Je marche lentement pour ne pas aller embrasser de murs. Il ne manquerait plus que je fasse un tour à l'hôpital en tant que patiente. De clore clore cette longue journée en beauté. Dean me donnera sa réponse avant que je n'aie eu le temps de passer le pas de la porte, je le sais. Vu le rythme auquel je marche, il aurait même le temps de se lever et de me rattraper sans se presser si je venais à trébucher. Laissez moi encaisser avant de m'accabler plus encore. Je n'ai plus d'énergie. Alors je fais comme je peux. Si seulement j'avais eu le temps de réfléchir ! C'est bien trop soudain. En une soirée, un enfant est mort sous mes mains et mon meilleur ami m'a déclaré son « amour ». Si j'avais su, je serai restée coucher. Les histoires de cœur sont du genre à me tracasser durant de longues heures. C'est pour ça que les relations sérieuses avec moi sont simplement des cas d'école. Le fait d'avoir été élevée à moitié par mon grand-frère explique mon côté parfois garçon manqué et le fait que, contrairement à d'autres filles, je ne considère pas qu'être casée soit une fin en soi. Et cette ville ne donne pas envie de se mettre avec quelqu'un. Vu le taux de criminalité dans cette cité, vous avez autant de chance de tomber sur un type bien que de rencontrer King Kong. Rassurant, vous ne trouvez pas ? Je ne suis pas une femme à hommes. Comment voulez-vous que je gère ça ? Si encore je jouissais de toutes mes capacités mentales, ce serait différent. Mais à l'heure actuelle, l'épuisement m'empêche de réfléchir aussi vite que je le devrais pour réagir convenablement. Normalement, dans ce genre de situation, je me serai tournée vers Jane et nous aurions échangé nos points de vue autour d'une pizza. Mais là, c'est tout sauf une situation normale. Dean est un être à part dont Jane ignore l'existence. Allez vous débrouiller avec ça alors qu'il est tard dans la nuit !